Se convertir pour œuvrer à la rédemption de la Création
Chaque année, la célébration du Triduum pascal, «sommet de l’année liturgique», nous offre de contempler l’un des mystères essentiels du christianisme: la rédemption (du latin redemptio, rachat), l’acte par lequel Jésus rachète les hommes esclaves de leur péché en le payant de sa vie. Son sacrifice sur la Croix, par amour, a permis au monde d’être sauvé, c’est-à-dire de ne pas être définitivement vaincu par le mal.
Le mystère pascal, « mystère de salut, déjà à l’œuvre en nous en cette vie terrestre, se présente comme un processus dynamique qui embrasse également l’Histoire et la création tout entière. Saint Paul le dit : “La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu” (Rm 8,19)», écrit le Pape François en introduction de son message.
Le Carême est une manière de prendre part à ce processus, en s’engageant sur un «chemin de conversion» par lequel nous pouvons nous révéler comme fils de Dieu.
La rédemption de la Création
Mais quel est le lien entre la condition de fils de Dieu et la Création? Si «l’homme vit comme fils de Dieu, s’il vit comme une personne sauvée qui se laisse guider par l’Esprit Saint», explique le Saint-Père, «alors il fait également du bien à la Création, en coopérant à sa rédemption». On en vient alors au verset de saint Paul: la Création «a comme un désir ardent que les fils de Dieu se manifestent, à savoir que ceux qui jouissent de la grâce du mystère pascal de Jésus vivent pleinement de ses fruits, lesquels sont destinés à atteindre leur pleine maturation dans la rédemption du corps humain».
L’exemple de cette plénitude est donné par les saints. «Quand la charité du Christ transfigure la vie des saints – esprit, âme et corps –, ceux-ci deviennent une louange à Dieu et, par la prière, la contemplation et l’art, ils intègrent aussi toutes les autres créatures, comme le confesse admirablement le “Cantique des créatures” de saint François d’Assise», continue le Pape. Mais l’harmonie que produit la rédemption «est encore et toujours menacée par la force négative du péché et de la mort», met-il en garde.
Le péché destructeur
Quand l’homme privilégie son «bon plaisir» et se comporte avec «intempérance», son style de vie «viole les limites que notre condition humaine et la nature nous demandent de respecter».
«Si nous ne tendons pas continuellement vers la Pâque, vers l’horizon de la Résurrection, il devient clair que la logique du “tout et tout de suite”, du “posséder toujours davantage” finit par s’imposer», déplore le Pape. Le péché, en rompant la communion avec Dieu, «a également détérioré les rapports harmonieux entre les êtres humains et l’environnement où ils sont appelés à vivre, de sorte que le jardin s’est transformé en un désert (cf. Gn 3,17-18). Il s’agit là du péché qui pousse l’homme à se tenir pour le dieu de la création, à s’en considérer le chef absolu et à en user non pas pour la finalité voulue par le Créateur mais pour son propre intérêt, au détriment des créatures et des autres», regrette le Saint-Père.
«Quand on abandonne la loi de Dieu, la loi de l’amour, c’est la loi du plus fort sur le plus faible qui finit par s’imposer», résume-t-il. Une logique qui «conduit à l’exploitation de la création, des personnes et de l’environnement, sous la motion de cette cupidité insatiable qui considère tout désir comme un droit, et qui tôt ou tard, finira par détruire même celui qui se laisse dominer par elle».
Un Carême, plusieurs manières de se convertir
Pour mettre fin à cette exploitation mortifère et restaurer une communion harmonieuse et féconde, «la création a un urgent besoin que se révèlent les fils de Dieu», réaffirme le Pape. «Le chemin vers Pâques nous appelle justement à renouveler notre visage et notre cœur de chrétiens à travers le repentir, la conversion et le pardon afin de pouvoir vivre toute la richesse de la grâce du mystère pascal», précise-t-il.
Le carême est donc «un signe sacramentel de cette conversion», qui «appelle les chrétiens à incarner de façon plus intense et concrète le mystère pascal dans leur vie personnelle, familiale et sociale en particulier en pratiquant le jeûne, la prière et l’aumône».
Le Saint-Père donne ensuite des explications sur ces trois pratiques.
Le jeûne consiste à «changer d’attitude à l’égard des autres et des créatures : de la tentation de tout “dévorer” pour assouvir notre cupidité, à la capacité de souffrir par amour, laquelle est capable de combler le vide de notre cœur». La prière permet «de savoir renoncer à l’idolâtrie et à l’autosuffisance de notre moi, et reconnaître qu’on a besoin du Seigneur et de sa miséricorde». L’aumône est un moyen de «se libérer de la sottise de vivre en accumulant toute chose pour soi dans l’illusion de s’assurer un avenir qui ne nous appartient pas. Il s’agit ainsi de retrouver la joie du dessein de Dieu sur la création et sur notre cœur, celui de L’aimer, d’aimer nos frères et le monde entier, et de trouver dans cet amour le vrai bonheur».
Le Souverain Pontife conclut en exhortant les fidèles à ne pas laisser «passer en vain ce temps favorable», avant de lancer cet appel: «Abandonnons l’égoïsme, le regard centré sur nous-mêmes et tournons-nous vers la Pâque de Jésus: faisons-nous proches de nos frères et sœurs en difficulté en partageant avec eux nos biens spirituels et matériels». Ainsi, «en accueillant dans le concret de notre vie la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, nous attirerons également sur la création sa force transformante», conclut-il.